Les premières connaissances de
Rabelais s’acquièrent dans un milieu monacal, chez les Cordeliers, des
Franciscains qui privilégient l’action à la réflexion purement intellectuelle.
Les Franciscains ont été les premiers réformateurs de l’Eglise, au Moyen
Age : ils ont préconisé comme modèle la simplicité de vie du Christ contre
les luxes ostentatoires aussi bien du monde séculier que religieux.
Ses jeunes années d’études lui
font rejeter la scolastique sclérosée du XIVe siècle et le ramène à
cette saine scolastique d’un Abélard (du XIIe siècle), quelque peu
oubliée au début du XVIe siècle.
A la façon de François
d’Assise, il s’intéresse à la condition humaine : cela le conduira à
étudier et à pratiquer la médecine. La fréquentation d’hommes de loi, chez son
père comme lors de sa vie de prêtre, lui donne un solide bagage juridique qui
se retrouve à plusieurs reprises dans son œuvre.
Rabelais a une profession de
foi : les sciences sont utiles à l’homme dans la mesure où elles lui
permettent de progresser.
Redécouverte des auteurs antiques
La connaissance du grecconformisme » comme nous dirions de nos jours) et les vérités
expérimentales.
et du
latin provoque chez Rabelais une soif insatiable d’acquisition d’un vrai
savoir : il questionne son temps et recherche des réponses qui peuvent se
vérifier. Son œuvre est le miroir sociologique d’une société culturelle,
écartelée entre les fausses certitudes (un certain «Nécessité d’une culture encyclopédique
Cultivant un gai savoir,
Rabelais refuse les œillères d’une spécialisation : l’homme curieux de cultures
porte un regard large et synthétique sur l’ensemble des connaissances de son
temps. Il s’agit de repousser les frontières de l’inconnu en acceptant qu’il y
ait au final des terra incognita, ces
champs de recherche qui restent à être prospectés et, il n’y a pas de mystère,
il y en aura toujours...
Joie de la vie, joie de vivre
Bien des auteurs ou des
philosophes ont ou ont eu la sagesse triste : Rabelais refuse un ascétisme
physique ou intellectuel qui assèche les cœurs et les esprits ; Rabelais
délivre la sagesse du rire. Plutôt que de corriger l’homme par de doctes
déclarations, il utilise l’ironie, parfois mordante mais toujours décapante.
Il s’agit de travailler
sérieusement en aiguisant l’intelligence par la curiosité intellectuelle
toujours en éveil mais en sachant rire pour la bonne santé de l’âme comme du
corps.
Un NON vigoureux à toutes les routines
Rabelais mène une lute
permanente dans ses écrits : ses cibles préférées sont les routines
sociales, juridiques, médicales, intellectuelles, religieuses. Pourquoi ?
Rabelais n’est pas un
sceptique, ni un contestataire systématique : sa volonté est d’aborder les
vérités humaines sous leurs multiples facettes. Une recherche véritable de
vérités ne peut pas se satisfaire de poncifs, surtout quand ils sont
destructeurs.
En matière de religion, il ne
lutte pas contre le christianisme mais il stigmatise les pratiques
superstitieuses, ce que la Sorbonne n’a pas compris et ce qui a motivé la
condamnation, par cette dernière, de l’œuvre de Rabelais. Son souhait est de
retrouver le christianisme des origines, celui des Evangiles, sans les scories accumulées par l’ignorance de certains membres du clergé.
L’homme de Foi doit retrouver les Evangiles, non des préceptes creux de
quelques sorbonagres ou sorbonicoles, et le philosophe, les
sciences expérimentales et non les élucubrations de faux-sachants, ces charlatans
que l’on retrouve dans tous les temps.
Rabelais ne propose pas
l’anarchie : il souhaite une société vivant en fraternité, et non en
vaines chamailleries, où chaque homme,
attaché à son pays, trouve sa place en vivant en harmonie avec soi-même et avec
les autres. L’homme ne vit pas seul mais
en société.
Plaisir du verbe
La langue française brille de
toutes ses facettes dans l’œuvre de Rabelais qui cultive avec passion l’amour
du verbe. Il est ainsi le continuateur de ces multiples auteurs des Carmina Burana qui ont inspiré plus d’un
chant se retrouvant dans les chansonniers de Carabins de nos jours :
longue tradition du rire médiéval dont Rabelais nous livre les meilleures
échos. Néologismes, mots savants, mots populaires, mots argotiques, patois locaux :
tout est prétexte pour notre auteur, ivre de mots, à de véritables acrobaties
verbales. Cette pratique ne rend pas toujours facile sa lecture. Si vous
manquez quelques « sauts verbaux», ce n’est pas grave :
laissez-vous entraîner par la dynamique du verbe et surtout de l’idée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire